jeudi 27 novembre 2008

Marcelle Delpastre

Res que me manque, res.
Lo temps de naisser, de morir, lo temps de me virar. Lo temps de res.
D’esser quela chalor. Queu sang. Quela bufada.
Lo temps d’esser ieu - mesme - Res. ‘Na polsada de l’esser.”...
Et n’est-ce point assez que d’être
un seul instant sur la vague le moindre étincellement. Mais n’est-ce point assez ? D’être.”...
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Lo chant de la terra
Zo vos dise, perfum, passarai tala 'na ombra.
E pus redde qu’un fum passarai tras lo riu.
L'arcana dins lo ciau durara mai que ieu.
E n'ai pas tant de temps coma l'aur de la ròsa.
Zo te dise, mar prionda, e sorda a mos prepaus,
Zo te dise, me'n vau – a penas si 'riebe.
Un rire de luna sus la cresta d'una onda,
E l'ai pas vist 'chabar.
Un rai dins 'na gota d'aiga.
Ai l'atge, o es pertant ai l'atge de l'estiala.
E la solelh m'a coat dempuei lo primier jorn.
E la terra m'a portat, e me laschara pas,
Que lo fuec li cremava lo ventre.
E l'aiga m'a menat davant que fugués l'aiga
e que lo vent fugués lo vent.
En la negror dau tempsieu germenave.
Que sui faugiera, aubre mai blat.
Que sui la peira e sa poussiere, e l'arma que lai duerm.
Que sui lo rire, la raior, la dança, e lo sang de l'eternitat.

Je vous le dis, parfum, je passerai telle une ombre.
Plus vite qu’un brouillard je passerai près du ruisseau.
L'arc-en-ciel dans le ciel durera plus que moi.
Et je n'ai pas autant de temps que l'or des roses.
Je te le dis, mer profonde et sourde à mes propos,
je te le dis, je pars – à peine si j'arrive.
Un rire de lune sur la crête d'une vague,
Je n'en vois pas la fin. Un rayon dans la goutte d’eau.
J'ai l'âge, oui pourtant j'ai l'âge de l’étoile,
le soleil m'a couvé depuis le premier jour.
La terre m'a porté, elle ne me lâchera pas,
que le feu ne lui brûle le ventre.
L'eau m'a mené avant que d'être l'eau,
que le vent fût le vent.
Dans la noirceur du tempsje germais.
Je suis fougère, arbre et blé.
Je suis la pierre et sa poussière, l'âme qui dort dedans.
Je suis le rire, la lumière, la danse, et le sang de l'éternité.
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L'idea
De l'idea que ven, que se'n tòrna, e beleu tornara, beleu pas,
que sabes - d'onte ven mai d'onte vendra pas !
D'aquela musica, que passa, que te traucha, que te fai oblidar lo vent, e lo temps, e lo bruch qual que siá alentorn,
d'aquela musica, o d'aquela paraula, qu'arrieba coma vent-folet, que passa, que te tòrç, e que te fai virar
que t'empòrta ! e que te laissa quí, bresat, nejat, leugier mai que pluma, pesant mai que de peira-
e que te laissa quí, crebat de mila mòrts, de mila amors, e de l'eternitat, e que te laissa quí, sechat, pus viu que font,
pus niure e pus segur, e que -que tornara beleu, jamai pariera - o que tornara pas -
coma l'onda que tòrna, o que tornara pas, plaser que fend, dolor que raia -
que ne'n dire ! E que ne'n saubriatz.

De l'idée qui vient, qui s'en va, peut-être reviendra, peut-être pas,
que sais-tu - d'où elle vient, d'où elle ne vient pas !
De cette musique, qui passe, qui te traverse, qui te fait oublier le vent, et le temps, et le bruit quelqu'il soit autour,
de cette musique, ou de cette parole, qui arrive comme un vent follet, qui passe, qui te tord, et qui te fait tourner,
qui t'emporte, et qui te laisse là, brisé, noyé, plus léger que plume, plus lourd que pierre -
et qui te laisse là, crevé de mille morts, de mille amours et de l'éternité, et qui te laisse là, desséché, plus vif que source,
plus ivre et plus sûr, et qui - qui reviendra peut-être, jamais semblable - ou ne reviendra pas - comme l'onde revient, ou ne revient pas, plaisir déchirant, douleur rayonnante -
qu'en peut-on dire ! Qu'est-ce qu'on en sait.
Marcelle Delpastre, extrait de Paraulas per questa terra
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L'araignée et la rose et autres psaumes
Il faudra bien que je te crée. Il faudra bien que je t'invente, faible corps, chair vivante,avec tes armatures, avec tes veines, avec tes os, et le réseau du sang et le chemin des nerfs,
avec tes dents et tes nervures, et l'ombre par dedans, la profonde, la chaude ténèbre.
Avec l'ombre au-dehors, l'ombre vaste du corps qui couvre la moitié du monde.
Que j'invente la jambe et la main, et le ventre et le sein ; la semence,
et la réserve des semences. Il faudra que j'invente ce cri - la voix - ce cri plus grand que toi,
et le parfum qui passe par-dessus les arbres, immense cette odeur qui te porte plus loin.
Et les yeux. Ce regard qui accueille d'un trait,
qui reçoit d'un seul traitla moitié de la moitié du monde, il faudra bien que je l'invente.
Et tant pis qu'il te faille mûrir au milieu de l'été comme une herbe, et tant mieux qu'il te faille mourirà l'aube d'une autre journée. Sur le chemin de l'ombre et des constellations il faudra bien bâtir l'araignée et la rose.

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