vendredi 23 avril 2010

Mes biens chers frères, mes bien chères soeurs

Sur la route de Memphis

Mes biens chers frères,
Mes biens chères sœurs,

Le printemps est enfin de retour et, dès que le printemps revient pourquoi ce grand vide quand je pense à nous ?
Je vous écrit cette lettre parler d’mavie, c'est rare quand ça m'arrive
Quelles nouvelles ? Oh un tout petit rien, Hier encore j’ai perdu mon temps à faire es folies.
Comment avais-je pu accepter cette chasse à l’homme dans cette cambrousse perdue au fin fond de l’Ohio ?
Une nuit noire était tombée sur la petite ville, le bar allait fermer.
Je savais bien que Dieu était un fumeur de havane, mais la lourde fumée qui flottait piquait bougrement les yeux.
Une fumée de havane ? Un relent de vieille gitanes sans filtre plutôt.
J’écoutais en soupirant la pluie qui ruisselait sur les carreaux et ne poussait pas les gens à sortir dans la nuit froide de l’oubli.
L’humidité constante en ce mois d’août m’avait obligé à mettre ce vieux pull bleu marine, tout déchiré aux coudes.

Cela faisait un moment que je sirotais un whisky infâme, en lorgnant les p’tites pépées dans leur robe de cuir comme un fuseau.
Fallait pas que je rate le départ des deux olibrius que je suivais.
J’avais pu voir chez celui aux yeux couleurs menthe à l’eau (regard aussi plat que son électroencéphalogramme) qu’il ne savait pas que je le collais aux fesses depuis trois jours.

Le barman avait annoncé qu’il fermait, j’allais pouvoir me lever. Les jambes coincées sous cette table commençaient à me fourmiller d’impatience.
Je m’étais levé un peu raide, c’est vrai que je marche moins bien qu’avant sur ma jambe de bois.

Je les avais laissés sortir, connaissant leur voiture, pas de risque de les perdre.
Toute la pluie tombait sur moi, j’ai mis mon petit chapeau, celui que les filles trouvaient rigolo lorsque j’allais sur la plage pour protéger mon blaire du soleil trop vif de l’été.
Quand te reverrais-je pays merveilleux, où ceux qui s'aiment vivent à deux ?

Un coup de chauffage, de la musique, je ne savais pas combien de temps j’allais rouler, ils devaient chercher une planque pour la nuit.
J’espérais qu’ils ne m’entraîneraient pas sur la route de Memphis. La route est longue, mes pieds sont lourds et, mes paupières lourdes comme du plomb s'écrasent sur la route.

Des arbres, une ligne droite, des arbres, quelques voitures, fallait que je lève le pied, je n’étais pas sur la nationale 7.
Ah douce France ! Comme j’avais hâte de regagner ma Méditerranée aux îles d'or ensoleillées.
La voiture des deux lascars s’était arrêtée sur le bas côté près d’une autre voiture qui avait l’air de les attendre.

J’aimais pas trop, j’avais bien mon pétard dans la boite à gants, mais si eux sortaient leurs flingues, j’étais mort dans la riposte. Je ne pouvais pas me permettre de me garer, trop visible, ma p’tite auto.
Un peu plus loin, je faisais demi tour, les pneus grinçaient, du 360° que je leur faisais faire.

Une immense gerbe de feu m’avait accueilli, une grosse cylindrée noire était en l’air, comme si elle réfléchissait à ce qu’elle devait faire ; rester dans sa pause incertaine ou redescendre ?
La berline avait pris comme tremplin la volkswagen qu’elle avait décapitée au passage.
J’arrivais pas à comprendre ce qui s’était passé.

La voiture rouge que je suivais depuis trois jours était en feu, les deux bougres devaient rôtir dans cette fournaise ; on naît, on vit on trépasse…
Je voulais m’approcher, fallait pas être chien tout de même.
J’allais me ranger, pas trop prêt, il suffisait d’une étincelle, d’un rien pour que j’explose à mon tour.

Alors voilà, c'est la fin du voyage, je coupe le son et l'image.
Céline, toi qui es notre aînée, je me souviens de ce que tu m’avais dit avant que je parte "je te perdrai peut-être là-bas n'y va pas".
Mais tu sais, non je n'ai pas changé je suis toujours ce garçon un peu fou qui te parlait d'Amérique.

Faites du feu dans la cheminée, je rentre chez moi.

Mes bien chers frères, mes biens chères sœurs tout finit par se dire, tout finit par se faire.

Big Bisou, bon baisers d’ici, à mes neveux et nièces de la part du tonton flingueur

Autoportrait, souvenirs, souvenirs

Texte écrit selon la consigne de Kaléïdoplumes : ici

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