samedi 25 octobre 2008

Sombre dimanche

Une nuit noire était tombée sur la petite ville, le bar allait fermer.
Je savais bien que Dieu était un fumeur de havane, mais la lourde fumée qui flottait piquait bougrement les yeux.
Une fumée de havane ? Un relent de vieille gitanes sans filtre plutôt.

La pluie qui tombait sans arrêt depuis le début de l’après-midi ne pressait pas les personnes à sortir dans la nuit froide de l’oubli.
Cela faisait maintenant quatre heures que je sirotais un whisky infâme, en lorgnant les p’tites pépées dans leur robe de cuir comme un fuseau. Fallait pas que je rate le départ des deux olibrius que je suivais.
Comment avais-je pu accepter cette chasse à l’homme dans cette cambrouse perdue au fin fond de l’Ohayo.

L’humidité constante en ce mois d’août m’avait obligé à mettre ce vieux pull bleu marine, celui que j’avais perdu dans la piscine ; les choses sont ainsi faites que c’est un des deux que je filais qui l’avait récupéré.
J’avais pu voir dans ses yeux couleurs menthe à l’eau, regard aussi plat que son électroencéphalogramme, qu’il ne savait pas que je le collais aux fesses depuis trois jours.
Le barman avait annoncé qu’il fermait, j’allais pouvoir me lever. Les jambes coincées sous cette table commençaient à me fourmiller d’impatience.
Je m’étais levé un peu raide, c’est vrai que je marche moins bien qu’avant sur ma jambe de bois.
Je les avais laissés sortir, connaissant leur voiture, pas de risque de les perdre.

Toute la pluie tombait sur moi, j’ai mis mon petit chapeau, celui que les filles trouvaient rigolo, lorsque j’allais sur la plage pour protéger mon blaire du soleil trop vif de l’été ; quand te reverrais-je pays merveilleux, où ceux qui s'aiment vivent à deux ?
Un coup de chauffage, de la musique, je ne savais pas combien de temps j’allais rouler, ils devaient chercher une planque pour la nuit.
J’espérais qu’ils ne m’entraîneraient pas sur la route de Memphis, j’avais les paupières trop lourdes pour faire cette longue route.

Des arbres, une ligne droite, des arbres, quelques voitures, fallait que je lève le pied, je ne n’étais pas sur la nationale 7. Ah douce France ! Comme j’avais hâte de regagner ma Méditerranée.
La voiture des deux lascars s’était arrêtée sur le bas côté près d’une autre voiture qui avait l’air de les attendre.
J’aimais pas trop, j’avais bien mon pétard dans la boite à gants, mais si eux sortaient leurs flingues, j’étais mort dans la riposte.
L’échange allait-il se faire ici ? Je n’y avais pas pensé.
Je ne pouvais pas me permettre de me garer, trop visible, ma ptite auto.
Un peu plus loin, je faisais demi tour, les pneus grinçaient, du 360° que je leur faisais faire.

Une immense gerbe de feu m’avait accueilli, une grosse cylindrée noire était en l’air, comme si elle réfléchissait à ce qu’elle devait faire ; rester dans sa pause incertaine ou redescendre ?
La berline avait pris comme tremplin la wolswagen qu’elle avait décapitée au passage.
J’arrivais pas à comprendre ce qui s’était passé.
La voiture rouge que je suivais depuis trois jours était en feu, les deux bougres devaient rôtir dans cette fournaise ; on naît, on vit , on trépasse...
Je voulais m’approcher, fallait pas être chien tout de même et puis, si je pouvais récupérer mes gus, même un peu cuits, je pourrais leur retirer des informations.

J’allais me ranger, pas trop prêt, il suffisait d’une étincelle, d’un rien pour que j’explose à mon tour.
Je descendais, la pluie avait cessé.

- Coupez, on reprend demain.

Selon la consigne treize imagé Autour des mots

3 commentaires:

Anonyme a dit…

Merci pour ces deux très belles participations. Bientôt une nouvelle consigne que nous concoctons avec mes acolytes de "Autourdesmots". Toute proposition, suggestion, susurrement, murmure sont également les bienvenus ;). A très bientôt

Anonyme a dit…

Merci Christine (et Dino sans le grec, je n'aurais pas connu Autour des mots).

Rendez-vous est pris.

Anonyme a dit…

C'est superbe !
Bourré de références (je suis sûr d'en avoir loupé plein, et pourtant j'en ai vu pas mal...).

Très très bel exercice de style !